LA MÉTAMORPHOSE DES CIGOGNES – DE ET AVEC MARC ARNAUD

 

MISE EN SCÈNE : BENJAMIN GUILLARD

Écrit & interprété par : Marc Arnaud
Création lumières : François Leneveu
Co-production : Acmé & 984 Productions

 

NOTE D’INTENTION  :

 

Alors… Par où commencer… Par le titre déjà, La métamorphose des Cigognes

La métamorphose des Cigognes, c’est un homme seul dans une salle de recueil de sperme. Il doit éjaculer dans un gobelet pour faire un enfant par fécondation in vitro tandis que sa femme Isabelle est au bloc sous anesthésie générale pour la ponction ovarienne. Lui se tient là, face à vous, spectateurs, et face à lui-même. Voilà le spectacle résumé.

Et pendant une heure, passé, présent et futur se confondent, c’est le moment du bilan (pourquoi j’en suis là?), le temps de l’action (comment je fais?) et de la projection (je vais donc être papa?)

Pour se sortir de cette situation, comme lui conseille un ami qui a déjà fait ça, il faut « penser mécanique ». Pas si simple… Parce qu’au-delà du gobelet, il y a l’enfant. Mais avant l’enfant il y a la masturbation. Pratique banale mais qui ici prend une portée toute autre. Ça deviendrait presque émouvant.

« Premier bébé éprouvette en 1978 en Angleterre. Avant cette date-là si tu éjaculais dans un gobelet, eh bien tu éjaculais dans un gobelet mais ça n’avait aucune conséquence, c’était porteur d’aucune promesse »

Il s’agit de FAIRE un enfant. Mais est-il sûr de son désir ? Est-ce qu’il veut cet enfant ? Au point de passer par cette étape angoissante et un peu sordide ? Même s’il sait que ce n’est rien, c’est presque facile, c’est indolore, rapide, plaisant ?

En comparaison avec ce que sa femme endure au bloc et la douleur qui va suivre pour elle pendant quelques jours, c’est quand même pas grand-chose cette affaire d’éjaculation dans un gobelet. C’est absurde même d’en faire toute une histoire. Mais lui c’est un homme, un « mâle » qui ne peut plus procréer « naturellement », il a besoin d’aide, c’est ainsi. Et ce n’est pas grave au fond, c’est de plus en plus courant, mais il n’empêche que face à son gobelet, il est seul, alors il parle, il cherche à se comprendre.

« J’ai eu une infection, j’ai attrapé une infection, j’ai contaminé ma femme, on est guéris, mais cette infection a altéré mes spermatozoïdes et ils n’arrivent plus au bout. Je ne suis pas stérile, mais j’ai du sperme low-cost. Donc FIV. »

Et il parle aux spectateurs. L’adresse est directe comme en stand-up à la différence près qu’il leur parle depuis la fiction. En plus de ces moments d’adresse directe, ces moments de confession-digression-dévoilement, il y a également des scènes où je jouerai tous les personnages. Les médecins, l’infirmière du centre de recueil, un ami, un psy québécois, un présentateur télé, un homme rencontré aux urinoirs d’un resto indien…

Je crois que ce solo (pour essayer de trouver un mot qui réunisse entre le stand up et le théâtre) c’est aussi une façon d’explorer l’intérieur d’une tête de garçon qui se demande comment il est devenu l’homme qu’il est devenu. Comment il s’est formé… Dans sa sexualité, dans son rapport aux femmes, aux hommes, à la santé ou du moins au soin que l’on s’apporte à soi-même ou pas, dans ses croyances, ses absences de croyance, ses désirs, ses addictions. Et tout ça lui pète un peu à la gueule mais « on manque de temps, dépêchez-vous monsieur Arnaud » vient souvent lui rappeler l’infirmière.

Réussir à faire un enfant, mais d’abord réussir à éjaculer dans un gobelet, quand dans la solitude de cette salle de recueil, il se sent aussi un peu ridicule et il a finalement peut-être juste envie de rire et de parler.

Mais pressé par le temps, il veut, doit et va réussir à éjaculer (la représentation de sa jouissance sera théâtralisée. Pas de performance réaliste au plateau !). Il jouit entouré de ses fantômes pour finalement, dans un compte à rebours final imposé par l’infirmière qui doit aller « faire la mixture », parler pour la première fois à son enfant en devenir.

Marc Arnaud

 

NOTE DE MISE EN SCÈNE  :

 

Marc a besoin de nous pour comprendre. Besoin de comprendre comment il en est arrivé là, dans cette salle austère où il doit donner son sperme afin d’essayer de faire un enfant.

Marc a besoin de raconter son histoire pour en sortir de cette salle. Quoi de mieux qu’un plateau de théâtre pour tenter de s’en échapper? Quel meilleur endroit pour se poser les questions de la vie, du temps qui passe, des casseroles que nous trimbalons? Quoi de mieux qu’un plateau de théâtre pour essayer de faire un point tous ensemble? Essayer de comprendre ce joyeux bazar.

C’est insoluble et c’est ça qui est drôle. On aura beau l’aider Marc, il restera empêtré dans ses questions. Alors, fébrile et désarmé, il y reviendra soir après soir à ses questions. Un peu comme au théâtre. Un peu comme dans la vie.

De mon côté, le Marc qui incarne Marc, je vais l’aider. Un plateau nu, des lumières créant des espaces mentaux, une voix et un corps qui se transforme pour convoquer des personnages sortis des confins de la mémoire : je fais le choix de l’épure et de la simplicité totale pour mettre en scène Marc et ses questions.

Benjamin Guillard

 

MOT DE JEAN-FRANÇOIS SIVADIER :

 

La métamorphose des cigognes, texte et interprétation de Marc Arnaud, est une histoire de naissances. Et d’abord, l’histoire d’une naissance désirée par un homme enfermé, seul, entre quatre murs, en face d’un gobelet en plastique, vide, qui attendra, le temps de la représentation, de recevoir son sperme.

Faire un enfant par fécondation in vitro c’est le projet de cet homme qui va confondre la pièce où il est enfermé (« une studette de 7 mètres carré sans kitchenette avec un lavabo et un urinoir ») avec la scène d’un théâtre. Le théâtre qu’il va s’inventer pour supporter l’angoisse de devoir obéir à ce qu’on attend de lui et qu’il sait incontournable : suivre sagement le protocole sans lequel son projet ne verra pas le jour. Un monde aussi réel que fantasmatique, où il s’empressera de rire de tout, de lui-même et de la situation dont il se sent à la fois victime et responsable, pour ne pas succomber à la peur d’échouer. Un petit voyage initiatique dont la destination s’improvise au hasard des apparitions de personnages, délirants à force de se vouloir pragmatiques dans les situations tragi-comiques que subit le voyageur.

Et puis la naissance d’un acte théâtral, audacieux et non moins émouvant que l’histoire qu’il raconte. Un acteur au cœur de ce qui le touche au plus intime, qui prend (pour la première fois) le risque de se lancer sur scène, seul et sans masque, pour faire de son histoire personnelle un poème. Un poème qui, parce qu’il parle sans complaisance d’une véritable intimité, trouve la force de convoquer tout le monde. Dès les premières lignes, l’aventure de M. Arnaud en face de son gobelet devient la nôtre. En face de l’infirmière qui lui parle comme à un enfant devenu incapable d’agir et de penser par lui-même, nous devenons des complices et notre inquiétude de la pure jubilation.

Marc Arnaud écrit comme il joue. Avec un sourire, debout, les bras ouverts et les yeux tendus vers ceux qui l’écoutent, et suivant sa respiration et son inspiration. L’auteur vole tout à l’acteur et inversement. L’auteur a écrit pour l’acteur un texte sur mesure. À la mesure de sa virtuosité (qui a le tact de ne jamais en imposer), pour nous inciter à le suivre, avec confiance, comme on écoute un ami qui soudain n’en finit plus de parler.

Le texte s’écrit à la première personne et l’acteur joue au présent à l’écoute de son auditoire, dans le souci de l’accompagner dans le récit, avec douceur et générosité.

Le sujet est aussi grave que joyeux et son traitement délicat, hilarant, jamais impudique, et grâce à l’humanité qui s’en dégage, et au risque pris par l’acteur devant nous, toujours poétique. C’est là que le spectacle prend sa grande force comique : dans l’effort du protagoniste à poétiser une situation plus que triviale et à faire de l’endroit sordide dont il est prisonnier, le pays fantastique de son imagination. C’est ça que raconte l’histoire forte, violente et légère du spectacle de Marc Arnaud.

Le rêve exaltant et difficile de l’enfant qu’on s’invente et celui d’un acteur qui s’invente une scène pour s’y perdre et s’y retrouver, avec, sans doute, dans la tête, comme un outil secret, un joli mot énigmatique de Paul Eluard, que l’auteur a glissé dans le texte, l’air de rien, entre deux répliques : « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses ».

Jean François Sivadier – Paris, le 8 avril 2019

 

MARC ARNAUD – AUTEUR ET INTERPRÈTE :

 

Formé au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique et à la London Academy of Music and Dramatic Art, Marc Arnaud joue Alceste dans Le Misanthrope et Boris Trigorine dans La Mouette au Théâtre de la Bastille dans les mises en scène de Thibault Perrenoud.

Il crée le rôle du Maître dans l’adaptation du Maître et Marguerite au Théâtre de la Tempête et participe au spectacle d’improvisation Masques et Nez, deux pièces mises en scène par Igor Mendjisky.

Il interprète Clytemnestre sous la direction de Jean-François Sivadier dans Portraits de Famille, puis joue dans sa mise en scène de Dom Juan au Théâtre de l’Odéon.

Au cinéma, Marc Arnaud a tourné avec Michel Leclerc dans Télé Gaucho, Philippe de Chauveron dans Embarquement Immédiat et A bras Ouverts, Régis Roinsard dans Les Traducteurs. Il joue dans les courts métrages Par acquit de conscience de Maxime Chattam et Tout va bien de Julia Ducourneau. Il cosigne avec Sylvain Dieuaide et joue dans les films For Once in my Life et Guillaume à la dérive produits par Yukunkun Productions.

À la télévision, il joue Pierre Brasseur dans Arletty une passion coupable avec Lætitia Casta et interprète en anglais le rôle du docteur Harlow dans la série The I-Art réalisée par Alex Da Silva pour Blackpills.

 

BENJAMIN GUILLARD – METTEUR EN SCÈNE :

 

Formé au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, Benjamin Guillard a pour professeur Philippe Adrien, Gérard Desarthe, Muriel Mayette, Mario Gonzales, Caroline Marcadé, Philippe Garrel…

En tant que metteur en scène, il signe La fin du monde est pour dimanche de et avec François Morel, Ancien malade des hôpitaux de Paris de Daniel Pennac, Moi et François Mitterrand d’Hervé Le Tellier.

En 2015, il collabore à la mise en scène de Réparer les vivants d’Emmanuel Noblet d’après le roman de Maylis de Kerangal. L’année suivante, il met en scène Vous n’aurez pas ma haine d’après le livre d’Antoine Leiris, Molière 2018 catégorie Seul en scène ainsi que Aimez moi de et avec Pierre Palmade. En 2019, il adapte et met en scène Jo au théâtre du Gymnase pour France télévision.

Il a également mis en scène les spectacles musicaux Bobines de Damien et Renan Luce et Frère animal d’Arnaud Cathrine et Florent Marchet.

En parallèle, il réalise trois courts-métrages : Looking for Steven Spielberg (2009), Véhicule-École (2012), L’avenir est à nous (2016).

Il écrit actuellement son premier long métrage.